Stewart - Hyder

Samedi 31 août 2019 - J60

Le mont Robson, point culmibant des Rocheuses canadiennes à 3 954m était bien visble hier soir mais ce matin il est totalement dans le brouillard. La petite clairière où nous avons passé la nuit n'est qu'à quelques centaines de métres de la trans Canada Highway et on y accède par un chemin quasiment invisible de celle-ci et que nous n'aurions jamais trouvé sans l'application Ioverlander... Un couple de campeurs était déjà installé, ils nous ont immédiatement fait signe que nous pouvions également nous y poser. Dwayne, en bon canadien, était occupé à fendre du bois tandis que sa compagne nous offrait du saucisson et du brie canadien. Nous avons partagé notre apéro, notre bouteille un peu entamée de vin rouge de la Rioja rescaspée du déménagement, mais hélas nous avons dû décliner la proposition de nous joindre à la partie de grillades, faute de munition... Nous avions souhaité attendre de quitter Jasper pour faire notre ravitaillement et nous n'avions plus que des pâtes...

Nous roulons près de trois heures à travers les forêts, puis nous nous arrêtons pour déjeuner sur une aire de repos équipée d'une borne wifi, bien agréable après des centaines de kilométres sans capter le moindre réseau. Revers de la médaille, la pause s'éternise un peu...

Nous arrivons à Prince George à 16h00. Ravitaillement, plein de gasoil et de gaz, notre première bouteille aura tenu 54 jours. Nous reprenons la route à 18h00, il est temps de trouver un bivouac.   

Nous roulons une quarantaine de kilométres, je m'apprète à prendre la piste pour Kwitzil Lake lorsque soudain une mère ours et ses deux petits traversent devant nous... Près du lac, quelques campeurs sont déjà installés depuis un moment, un vieux solitaire au look de courreur des bois dans une très vieille cellule semble être là depuis des années, un vieil intégral qui fait tourner son groupe électrogène, deux caravanes de couples de pècheurs qui prennent l'apéro... J'ai bien envie d'aller plus loin quand ces derniers nous font signe de rester. Isa sort échanger quelques mots, nous nous mettons un peu à l'écart de ceux-ci. La nuit va tomber, je pense aux ours...    

Nous avons parcouru 330 km ce jour, 12 106 km depuis notre arrivée à Halifax.


Dimanche 1er septembre 2019 - J61

Nuit calme. 

Nous roulons 200 km sans traverser la moindre agglomération et arrivons à Burns Lake. Surprise, un camping gratuit est à disposition des campeurs près du lac, nous nous y installons pour déjeuner.

Nous faisons le point sur notre itinéraire futur, et notamment sur le choix de direction après Stewart. La route que nous sommes en train de suivre est très monotone et refaire le trajet en sens inverse ne nous enchante pas. En étudiant les trajets possibles, nous nous rappelons de la liaison maritime Prince Rupert - Port Hardy, qui nous permettrait de rejoindre directement l'ïle de Vancouver tout en faisant une mini-croisière par l'Inside Passage... 

Je téléphone à BC Ferries. La personne que j'ai en ligne parle français, elle me propose soit une traversée le 4, soit le 10 septembre, nous validons le 4. Nous avons deux jours à consacrer à Stewart, nous nous remettons immédiatement en route.

La route 37 entre Hazelton et l'intersection avec la 37A est encore plus monotone, 100 km en ligne droite au milieu des bois.    

19h30, nous bifurquons sur la 37A. Les panneaux routiers annoncent maintenant la présence d'ours... Un, puis deux, puis trois, puis six... Ils sont toujours solitaires et marchent nonchalamment le long de la route. Il fait nuit maintenant, plus question de faire des photos, il faut seulement éviter d'en percuter un. Nous scruptons les talus, enfin nous arrivons à Stewart. Le spot ioverlander n'est pas extra, ce n'est pas un problème car demain nous comptons partir de bonne heure...

Nous avons parcouru 125 km ce jour, 11 384 km depuis notre arrivée à Halifax.


Lundi 2 septembre 2019 - J62

Stewart se situe tout au fond du Portland Canal marquant la frontière sud-est entre le Canada et l'Alaska. Une fois franchi le canal, nous entrons aux USA, dans la ville d'Hyder.

La situation de cette ville est particulière car la seule route qui la traverse entre à nouveau au Canada quelques kilomètres plus loin et il est impossible de rejoindre l'Alaska depuis cet endroit. Pour cette raison qu'il n'y a pas de douane côté USA, bien qu'il y en ait une côté Canada. L'origine de cette ville est liée à la découverte de zinc, de cuivre, de plomb d'argent et d'or, mais l'exploitation de ces mines s'acheva au milieu des années cinquante. Aujourd'hui Hyder est une ville fantôme qui ne survit que grâce au toursime.   

Nous sommes venus ici pour voir le point d'observation des ours aménagé sur la Fish River. Les saumons quittent le Pacifique et la remontent pour venir y pondre leurs oeufs et mourir ; les ours en ont fait leur garde-manger.

Nous franchissons la frontière et traversons Hyder. Sur les quelques kilométres entre celle-ci et le point d'observation, nous croisons trois ours s'apprétant à traverser la route pour rejoindre la Fish River... Cela s'annonce plutôt bien.

Nous nous garons sur le parking, l'odeur de poisson est déjà très forte. Nous nous présentons à la cabane de gardien, l'entrée coûte CAD$6 par jour ou CAD$12 pour 3 jours. Nous ne prenons qu'une seule journée. A noter que les dollars américains ou canadiens sont acceptés mais pas les CB.

Une passerelle en bois a été aménagée sur une centaine de métres parallèlement à la rivière, qui est elle-même parallèle à la route. Il est 7h00, plusieurs personnes sont déjà là et nous comprenons qu'ils ont déjà manqué les trois ours que nous avons faits fuir lors de notre arrivée... le niveau de la rivière est très bas mais il y a énormément de saumons. Un relevé est affiché près de la cabane, 4 000 saumons ont été comptabilisés dont 400 morts... A la surface concernée, cela fait presque 5 poissons au métre carré,  des poissons de près d'un métre de long dans 20cm d'eau... Pour les ours,  la pêche ne doit pas être trop difficile !`

Les premiers saumons sont arrivés mi-juillet et d'autres arrivent encore, épuisés par leur long prériple.

Nous restons une heure et demi sur la passerelle sans voir d'ours. Le spectable de tous ces saumons se frayant un chemin entre les poissons morts n'est pas des plus agréables, nous décidons de partir vers le Salmon Glacier. A peine avons-nous fait quelques métres en voiture, que nous apercevons un ours en bord de route. Je ralentis et nous le suivons à distance sur une centaine de métres, il s'arrête de temps en temps pour nous regarder tout en continuant droit devant lui. Soudain une autre voiture arrive et nous dépasse, il s'enfile aussitôt dans les buissons et disparaît.

Nous poursuivons en direction du glacier. Nous remontons la Salmon River, la route revient en Colombie Britannique, l'enrobé laisse place à la terre. Nous suivons la piste sur environ 25 km, celle-ci est suffisamment large pour se croiser et en bon état si on excepte quelques passages avec de très gros trous. Nous avons gravi 1 200 m, j' aperçois le glacier lorsque soudain le témoin rouge de la température de l'huile de la boîte de vitesse automatique s'allume. Je m'arrête aussitôt et nous consultons le manuel. Je redémarre, il s'est éteint. Pas pour longtemps, il s'allume à nouveau. Je recommence et roule en seconde, nous arrivons sur le parking du glacier.

Le glacier est magnifique, il serpente entre les montagnes avant de prendre une courbe serrée vers la vallée que nous venons de remonter. Il nous rappelle le glacier d'Aletsch en Suisse... Nous déjeunons dans ce décor grandiose. 

La route est un cul de sac, nous redescendons vers Hyder, le témoin ne s'allume plus. Nous arrivons à la passerelle d'observation, aucun ours n'a pointé son museau depuis notre départ, nous continuons vers Stewart. 

Le poste frontière est en vue, une banderolle indique avec humour que la ville fantôme de l'Alaska nous salue, mais le douanier canadien nous guette. Des plots sont en travers de la chaussée, le douanier sort de son bureau, lunettes de soleil miroir sur le nez, et s'approche lentement de ma portière... Raison du voyage, passeport, qu'Isa doit aller chercher dans la cellule, drogue, armes à feu... Ouf ! nous pouvons revenir au Canada...  

Nous nous arrêtons devant le bureau du tourisme de Stewart car je souhaite savoir s'il y a un garagiste dans la ville. Pas de chance, celui-ci est fermé le lundi ! Nous traversons la rue principale colorée et bien mise en valeur, à la recherche de wifi,

nous captons celui d'un hôtel, le seul garage de Stewart qui devrait être ouvert est visiblement fermé... Plus rien ne nous retient à Stewart, nous décidons de prendre la route pour Prince Rupert.

La route 37A nous offre encore deux ours, puis nous arrivons à la jonction avec la route 37 où je reprends un peu de gasoil par sécurité. Il est hors de prix, presque 1€ le litre !

Nous retrouvons la Trans Canada Highway, nous roulons encore une cinquantaine de kilomètres avant de nous arrêter dans une petite clairière au bord de la Skeena River.

Nous avons parcouru 362 km ce jour, 13 133 km depuis notre arrivée à Halifax.


Mardi 3 septembre 2019 - J63

Nuit calme, comme on peut en avoir au Canada, la route et la voie ferrée ne sont jamais bien loin. Un passage à niveau est juste de l'autre côté de la rivière et tous les trains klaxonnent à son approche.    

Nous suivons la Skeena River, et plus nous nous rapprochons de son embouchure plus celle-ci se transforme en un très joli fjord.

Nous sommes presque arrivés, nous faisons un dernier arrêt à l'aire de service de Port Edward. Celle-ci domine le port et ce que nous voyons nous laisse bouche bée : un remorqueur est en train de déplacer deux maisons et leurs dépendances. Le plus surprenant, nous apercevons les occupants assis sur leur chaise ! 

Il est 12h30, l'e-mail de confirmation de BC Ferries ne nous étant pas parvenu, nous préférons ne prendre aucun risque et nous rendre directement au port de Prince Rupert pour valider notre départ. Nous devons nous présenter à 5h00 demain matin, la dame de la compagnie nous propose de dormir dans la file d'attente moyennant CAD$22, nous préférons sortir de la ville et rejoindre le parking des Butze Rapids. 

Nous avons parcouru 205 km ce jour, 13 338 km depuis notre arrivée à Halifax.


Mercredi 4 septembre 2019 - J64

Il a plu toute la nuit et sous les arbres les gouttes étaient encore plus grosses et faisaient encore plus de bruit... Le soleil devait faire son retour ce matin, nous quittons Prince Rupert, la ville la plus humide du Canada, sous la pluie.

L'Inside Passage est un itineraire de 500 km reliant Prince Rupert à Port Hardy sur l'île de Vancouver parcourant la côte canadienne derrière un paravant d'îles montagneuses protecteur des tempêtes. Il faut 15h00 aux ferries pour parcourir ce trajet. Cette traversée nous revient à CAD$848,65, dont CAD$100 de cabine. 

La première partie du voyage dans le Grenville Channel est la plus spectaculaire. Dans ce passage long de 70 km, la largeur n'est que de 400 m alors que les fonds atteignent 500 m. 

Les sommets enneigés encadrent ce chenal, le ferry met 4h00 pour le traverser, pas de chance pour nous, midi approche et nous sommes toujours dans la grisaille.

Le soleil fait son apparition en début d'après-midi alors que nous faisons escale sur l'île de Swindle, en territoire indien. 

Avec le soleil et le ciel bleu, la dernière partie de la croisière prend une autre tournure et nous restons sur les ponts à admirer ces îles vierges de toute intervention humaine jusqu'au coucher du soleil. 

Nous débarquons à Port Hardy sur l'île de Vancouver à 23h30 et rejoignons le parking en bord mer indiqué sur Ioverlander.

Nous avons parcouru 19 km ce jour, 13 357 km depuis notre arrivée à Halifax.