L'Alsace par l'EV5


Vendredi 15 avril 2022

Ce week-end de Pâques est l'occasion pour nous de tester une nouvelle formule de voyage. Nous nous sommes bien documentés sur le sujet grâce à internet et Youtube, et nous sommes à présent équipés pour entreprendre ce premier périple à vélo. Isa a acheté un VAE, un Winora Yucatan 8 et moi j'ai adapté le VTT de notre fils Victor en ajoutant un garde-boue et un porte-bagage à l'arrière. J'ai aussi remplacé les pneus à crampons par des Schwalbe Marathon plus, le modèle plébicité par tous les randonneurs à vélo. Nous également acheté des sacoches étanches de la marque allemande Vaude, et dévalisé Décathon en investissant dans une tente de trekking 2 places MT900, des matelas gonflables Forclaz MT500, des tapis de mousse repliables et des duvets MT500 0°c. Tout ce matériel ainsi qu'un peu de nourriture et nos effets personnels ont trouvé place sur nos deux-roues et nous voici prêts à aborder la véloroute du vignoble d'Alsace, un tronçon de l'Eurovélo 5, la via Romea  Francigena, reliant Londres à Brindisi. Notre itinéraire sera plus modeste puisque nous nous contenterons de relier Starbourg à Belfort, soit un trajet de 200km pour les quatre jours à venir.  

Je réserve nos billets en ligne, les TER acceptent les vélos sans supplément. En revanche, nous avons un changement à Mulhouse. La veille du départ, un point m'inquiète soudain :  je connais bien la gare de Belfort et ses escaliers raides, aussi comment allons-nous passer nos montures chargées d'un quai à l'autre?  

Notre train est à 13h04, j'ai le temps d'aller en repérage à la gare durant la matinée. De nouveaux ascenseurs ont été installés mais ils ne sont pas assez profonds pour y faire entrer nos vélos. Le hazard fait cependant bien les choses puisque nous embarquerons sur la voie 1, directement accessible. 

Nous quittons Belfort à l'heure convenue et arrivons à Mulhouse. Nous avons six minutes pour monter dans le train suivant,et nous devons changer de quai... Nous trouvons l'ascenseur. Nous bataillons avec celui-ci, le vélo d'Isa finit par laisser la porte se refermer, elle monte puis vient mon tour. 

L'ascenseur suivant est plus petit et cette fois rien n'y fait, nous devons prendre l'escalier. Nous descendons le vélo d'Isa, puis au tour du mien, le porte-bagage arrière vient à se décrocher... Lorsque nous arrivons sur le quai, le train est parti.

Le prochain part dans une demi-heure. Le temps de refixer le porte-bagage et de changer de voie, il est presque moins une que nous loupions celui-ci. 

Nos vélos sont bien rangés, à l'emplacement prévu équipé de sangles. Les places sont cependant vite occupées et les cyclistes que nous prenons aux différents arrêts doivent laisser les leurs dans l'allée. Dans le premier TER, des crochets étaient prévus en plafond pour suspendre les cycles... Pas mal de choses à revoir donc côté SNCF si ce mode de voyage doit se développer dans les années à l'avenir...

Nous suivons les boulevards de Metz, Nancy et Lyon, puis bifurquons sur la rue de Broque. Nous parcourons quelques centaines de mètres et arrivons sur la véloroute du canal de la Bruche. Ce dernier fut construit par Vauban pour acheminer les pierres en grès des Vosges destinées à l’édification des fortifications de Strasbourg de 1682 à 1687. Il compte onze écluses et plusieurs d'entre elles sont en cours de réfection.

Nous sommes Vendredi saint, jour férié en Alsace, et la piste cyclable est très fréquentée. Cela s'atténue néanmoins à mesure que nous nous éloignons de Strasbourg.

La véloroute s'achève à Soulz-les-Bains, nous bifurquons vers le sud et rejoignons le camping de Molsheim. 

Le camping est complet pour les gros véhicules, le gérant trouve néanmoins une petite place pour notre tente.

Nous avons parcouru 27km ce jour.


Samedi 16 avril 2022

La température est descendue à 5°C cette nuit et malgré cela nous n'avons pas eu froid. Cependant, Isa, qui n'avait pas mis ses boules Quies, a été réveillée très tôt par le raffut des oiseaux et le claquement de bec des cigognes. Ce test valide également nos couchages, car conformément aux informations glanées sur internet, les mousses pliables nous isolent efficacement du froid du sol et le petit matelas gonflable efface les irrégularités du terrain. 

Le temps de prendre petit-déjeuner et douche, de plier la tente et de ranger nos sacoches, il est 9h30 lorsque nous enfourchons nos vélos. 

Nous retournons visiter Molsheim avant de nous élancer sur la véloroute du vignoble. Une vitrine a été installée sur la place de l'Hôtel de ville, dans laquelle est exposée une voiture exceptionnelle, une Bugatti Divo. C'est en effet en 1909 à Molsheim qu'Ettore Bugatti a crée son atelier de construction automobiles. La Divo est sortie en 2018, son moteur développe 1500ch et sa vitesse est bridée à 380km/h. Sa production a été limitée à 40 exemplaires pour un prix moyen de 5 millions d'euros... 

La sortie de Molsheim est laborieuse. Je fais fausse route en suivant la direction Molsheim-gare et nous devons faire demi-tour pour revenir vers le village de Dorlisheim. A ma décharge, les indications de l'EV5 sont rares, et indiquent tantôt un village, tantôt un autre, sans logique de proximité ou d'importance. De plus, la véloroute du vignoble d'Alsace va de Marlenheim à Thann, et ni l'une ni l'autre de ses villes ne sont indiquées sur les panneaux si bien qu'il est difficile de deviner le sens du trajet sans savoir situer tous les villages traversés...

Nous retrouvons enfin notre itinéraire après avoir perdu une grosse demi-heure. Nous traversons Dorlisheim puis notre route s'élève à travers les vignes en direction de Rosheim. La pente atteint 17%, Isa savoure son assistance électrique tandis que je mets pieds à terre pour la première fois.

Rosheim, excentré des axes principaux de circulation, est notre première belle découverte de ce voyage. Nous entrons dans le village par le dessus en traversant la porte du Lion et rejoignons le coeur historique de cette cité romane, délimité par la Porte Zittgloeckel et la Porte du Milieu. Entre celles-ci et parmi les anciens bâtiments administratifs se dresse l'imposante église romane Saints-Pierre-et-Paul datant du XIIème siècle.

Pour être honnêtes, nous yeux sont principalement attirés par la vitrine de la patisserie Rohmer située au pied de l'église. D'un commun accord, nous décidons de nous laisser tenter. 

Nous arrivons à Obernai et une fois encore, nous perdons notre itinéraire en traversant la ville. Les indications que nous suivons sont incohérentes et nous ramènent systématiquement sur la place du marché. De guerre lasse, je dégaine mon smatphone et prenons la direction de Barr en suivant le GPS.

Peu de temps après, nous retrouvons un panneau EV5 sur une indication pour Bernardswiller. Encore faut-il savoir que nous devons traverser ce village!.

Notre itinéraire retrouve enfin les vignes, nous en profitons pour pique-niquer, assis entre un cerisier et un pommier en fleur. Cela fait 3h30 que nous avons quitté le camping de Molsheim et nous avons perdu depuis 1h30 à chercher notre chemin. Ce soir nous devons être à Riquewihr où j'ai réservé un emplacement au camping. Il va sans dire que nous allons devoir faire preuve de beaucoup plus de perspicacité si nous voulons atteindre cet objectif. 

Nous traversons Barr au feeling et retrouvons par hazard notre chemin grimpant vers Mittelbergheim. Ce dernier fait partie de l'association des plus beaux villages de France, sans que j'y trouve un attrait supplémentaire par rapport à ses voisins déjà très jolis. D'ailleurs, je remarque que chaque village revendique l'appartenance à une autre catégorie, plus flateuse les unes que les autres.

L'itinéraire devient plus exigeant et les côtes s'enchaînent au passage d'Andlau. Une nouvelle montée nous permet d'atteindre Itterswiller, un authentique village de vignerons. Celui-ci nous offre un panorama unique sur la plaine d'Alsace et les collines vosgiennes. Dans cet havre de tranquilité, la terrasse de la winstub Arnold est une halte quasiment obligée pour les cyclistes de passage. Nous succombons une nouvelle fois à la tentation et reprenons quelques forces en dégustant un verre de gewurstraminer.

Nous passons Dambach-la-Ville, Scherwiller, Chatenois et Kintzheim. Le château du Haut-Koenigsbourg est maintenant en point de mire, nous quittons le Bas-Rhin et entrons dans le Haut-Rhin. Bergheim, Ribeauvillé et enfin Beblenheim, nous laissons la véloroute pour rejoindre le camping de Riquewihr. C'est à pied que je grimpe la rue des Vosges de Bebleheim, notre dernière côte de la journée. A peine arrivée au sommet, mon téléphone sonne. C'est la dame du camping qui veut savoir si nous venons bien ce soir car l'accueil va bientôt fermer.

18h29, nous sommes devant la cave de Beblenheim, nous achetons rapidement une bouteille de vin avant la fermeture puis parcourons les quelques centaines de mètres qui nous séparent encore du camping.

Ce dernier est complet, je suis content d'avoir réservé notre emplacement. Nous sommes installés près de l'accueil, juste derrière un stand de crêpes et de galettes. Notre dîner est tout trouvé! 

Nous avons parcouru 71km ce jour, 98km depuis notre départ.


Dimanche 17 avril 2022

Le camping est tellement plein que nous sommes installés sur un îlot cerné d'emplacements qui ne porte aucun numéro. Nous sommes entourés de haies, une borne électrique est à proximité pour recharger nos téléphones à l'aide de notre adapteur prise européennes et cela nous convient parfaitement. Ce camping est un 4 étoiles, il les mérite car nous n'avons jamais vu d'installations sanitaires aussi bien équipées.

Il a fait encore une peu plus frais cette nuit que la veille, mais nous avons très bien dormi et le classement confort 0°c de nos duvets est justifié. Notre organisation s'améliore et à 9h00 nous sommes déjà prêts à partir.

Hélas, c'est sans compter sur un imprévu... Isa ne trouve plus la clé de son antivol. Le stress monte, elle vide toutes ses sacoches, tous ses sacs, fouille les poches de tous ses vêtements tandis que je redéballe la tente. Je commence à inspecter le sol où était monté la tente, lorsque Isa la retrouve enfin au fond de son sac de couchage. Le temps de tout ranger, il est presque 10h00.

Nous partons enfin, traversons Beblenheim et retrouvons l'EV5. Tout en pédalant, je ne peux m'empécher de penser aux deux campings complets que nous venons de rencontrer aussi je décide d'appeler immédiatement celui de Cernay pour réserver notre emplacement de ce soir. 

Nous approchons de Colmar, une nouvelle fois les indications sont confuses et nous perdons l'itinéraire dans l'agglomération de Sigolsheim. Nous prenons des voies parallèles et parcourons plus de cinq kilomètres avant de revenir sur l'EV5 à hauteur de d'Ingersheim. Nous passons ensuite Turckheim, Wettolsheim et Eguisheim toujours en ayant le sentiment de ne suivre cet itinéraire qu'en pointillé. Nous nous arrêtons pour pique-niquer au milieu des vignes un peu avant Hattstatt.

Nous traversons la petite ville de Rouffach un peu avant 14h00. En ce dimanche de Pâques, les rues sont extraordinairement silencieuses. Malgré ce beau soleil, les gens doivent être attablés à l'intérieur des maisons et nous ne percevons aucun bruit.

Nous avons encore beaucoup d'incertitudes à la sortie de la ville. Cette fois, c'est l'itinéraire flêché qui ne correspond pas à notre guide Chamina. Nous retrouvons celui-ci en prenant la direction de Westhalten, pour contourner la colline du Bollenberg.  

Nous connaissons bien cet endroit pour y être venus randonner à plusieurs reprises. Cette colline, qui abrite un espace naturel protégé, est dominée par une petite chapelle, la chapelle des sorcières. C'était un lieu de pélérinage et de légendes. Les flancs du Bollenberg présentent également la particularité de bénéficier d'un ensoleillement exceptionnel, où l'on cultive le seul vignoble alsacien orienté plein sud.  

Nous abordons l'agglomération de Guebwiller après cette agréable parenthèse. Nous traversons celle-ci avec de maigres indications et en se fiant surtout à notre sens de l'orientation. Puis vient Soultz-Haut-Rhin, Harttmannswiller, Wattwiller, nous approchons du but. Nous arrivons à cernay, sans dire que nous quittons l'EV5 car nous l'avons une nouvelle fois perdu. Nous rejoignons le camping, ce soir encore, des cigognes nous tiendront compagnie.

Nous avons parcouru 69km ce jour, 167km depuis notre départ


Lundi 18 avril 2022

Troisième et dernière nuit du périple. Tous  les arbres autour de nous sont occupés par des cigognes bien actives dés le lever du jour. Comme la veille, nous sommes prêts à 9h00 et quittons le camping. 

L'EV5 part en direction de Mulhouse et la Suisse, le véloroute du vignoble rejoint Thann et nous, nous prenons la direction de Belfort par les petites départementales. Nous passons Aspach-Michelbach puis Soppe-le-bas, ce premier tronçon valloné traverse des zones boisées bien agréables. Seul le passage d'une course cycliste locale perturbe durant quelques minutes notre tranquilité.

Nous empruntons brèvement la D83 puis passons sous l'A36 pour retrouver nos petites routes départementales. Nous passons Breten puis Saint-Cosme. Je pense un instant que nous avons retrouvé le Territoire de Belfort, cependant la double écriture sur le panneau indiquant Sankt Kochma me confirme que ce n'est pas encore le cas.

Nous roulons encore quelques kilomètres puis allons nous installer au milieu des champs pour notre dernier pique-nique en Alsace.

Plus qu'une petite heure de route et nous retrouvons la maison. Nous avons parcouru 42km ce jour, soit 209km pour ce voyage.

Le bilan de ce test est largement positif. Notre matériel est parfaitement adapté à ce mode de voyage tout en tenant compte néanmoins du fait que la météo était très favorable et que nous avions souvent le vent dans le dos. Quelques points négatifs cependant : Les difficultés d'accès dans les gares, les lacunes du fléchage de l'Eurovélo 5, l'intinéraire emprunté qui évite la plupart des beaux villages alsaciens et offre une vision très partielle de la région. Nous avons la chance de connaître celle-ci, pour la découvrir en vélo il est indispensable de prévoir quelques journées supplémentaires pour ne pas passer à côté des richesses locales.